Année après année, le couleur cède du terrain et disparaît progressivement, pour laisser la place à un nouveau monde noir, blanc, gris. Le marketing fait figure d'exception, mais déjà certains de ses versants capitulent.
La couleur est-elle condamnée à disparaître doucement mais sûrement, ou est-ce une tendance sur le point de se retourner ?
Oui, la couleur disparaît de nos vies
Depuis 50ans environ, décennie après décennie, la tendance s'est accélérée. C'est en particulier vrai :
- À l'extérieur en architecture (prédominance du béton brut et du verre) comme à l'intérieur en déco (murs blancs, toujours très tendance).
- En automobile (les voitures colorées ne représentent plus que 25% des ventes en 2022 contre 75% en 1952).
- Dans les produits hi-tech (il est loin le temps des iMac et des Nintendo 64 colorés) : smartphones & téléviseurs en noir, équipements électroménagers en blanc. Les frigos orange sont désormais considérés vintage !
- Dans l'habillement : à quelques soubresauts près (comme les fluo kids), les modes couronnent inlassablement la sobriété. La couleur de l'année 2023 serait… le noir. Original. C'est également vrai avec les vêtements de sport, autrefois colorés (hum), aujourd'hui presqu'exclusivement blanc, noir, ou gris, surtout côté homme.
Pour ceux qui doutent encore, le constat a même été corroboré par une Intelligence Artificielle. L'algorithme de l'étude a suivi les changements de couleur au fil du temps, documentant des milliers de produits de 1800 à nos jours. Il y a deux siècles, les tons noir/blanc/gris représentaient environ 15% de tous les articles. Aujourd'hui ? 40%.
Les ressorts de la chromophobie
Comme l'explique très bien le documentaire de France Culture sur la chromophobie, la couleur serait tour à tour synonyme d'immaturité, de féminité, ou de vulgarité, du moins dans la culture occidentale. Les tons noir et blanc seraient au contraire sophistiqués, dignes d'une civilisation avancée.
N'oublions pas non plus des questions de standardisation liées à la production de masse (voitures blanches), les soucis d'économies (matériaux bruts en architectures) ou encore les problématiques environnementales (la peinture pollue).
Une question de générations ?
Webflow s'est penché sur les couleurs de l'année de Pantone pour identifier des préférences par génération. La journaliste a aussi ajouté les recommandations des marques de peinture (les préférences selon l'audience). La méthodologie est contestable mais le résultat est intéressant.
Ainsi, Les boomers affectionneraient les teintes plutôt neutres, calmes, et qui inspirent la confiance, comme le beige, le bleu pâle, le gris, et le blanc.
Sans surprise, les teintes plébiscitées par la Gen Z relèveraient d'avantage des couleurs acides ou sucrées comme le jaune éclatant, le rose fuchsia, ou le fameux vert fluo, qui est presque devenu la couleur officielle de toute une génération.
Les boomers, possédant à eux tout seul 50% de la richesse mondiale et dictant donc toutes les grandes décisions y compris côté design, seraient donc responsables de ces teintes neutres ou fades qui ont envahi nos vies.
L'hypothèse que les préférences de couleur évoluent simplement avec l'âge, de teintes vives vers des tons plus sobres, est certainement recevable, mais elle n'explique pas la disparition progressive de la couleur depuis deux siècles.
Le marketing, l'un des derniers bastions de la couleur ?
Il n'existe pas d'étude sur l'évolution de la couleur dans les supports promotionnels. Les marketers ont appris à manier la couleur pour aider leurs bannières de pub à taper dans l'oeil de l'internaute, ou pour jouer sur la psychologie.
Les packagings sont restés essentiellement des explosions de couleur, parce qu'il faut à tout prix attirer l'oeil dans les allées des magasins. Idem côté digital : sur l'App Store, les icônes des apps jouent quasi systématiquement sur la couleur pour sortir du lot. En la matière, l'icône d'Instagram (et son gradient unique) est un cas d'école.
Il semble pourtant que certains versants du marketing ne soient pas épargnés. À commencer par le design côté logo. C'est vrai côté luxe, où tous les logos se ressemblent, mais aussi en automobile. Rien qu'en France, les 3 marques nationales ont retiré la couleur de leur logo (Renault n'est plus jaune, Citroën a perdu son rouge, Peugeot son bleu). À la place : blanc, gris, noir.
Pour le logo d'une grande marque, la transparence ou la sobriété permet de traverser les années voire les époques sans risquer d'être démodé.
Si le marketing fait office de bastion résistant, le grand écart avec la monochromie des produits ne peut être tenu indéfiniment. La communication visuelle est censée être cohérente avec le produit qu'elle promeut, et si ce produit ne joue pas le jeu de la couleur, son marketing peut difficilement verser dans l'explosion de couleurs.
Profitez-en pour vous faire remarquer
À notre époque, la couleur constitue donc le meilleur moyen de se démarquer et sortir du lot. Prenez exemple sur l'artiste Lil Nas X, qui fait une utilisation explosive de la couleur, depuis la jaquette de son album jusqu'à ces clips, comme dans Industry Baby qui met en scène des prisonniers aux tenues rose fuschia qui crèvent la rétine.
Google, et beaucoup de start-ups de la tech dans son sillage, a aussi réhabilité la couleur dans ses locaux, comme pour se différencier des autres industries et insister sur le plaisir de travailler chez eux.
Un fort parti pris coloré peut vous aider à clairement vous différencier dans une industrie donnée, voire à rajeunir votre cible. Par exemple, le site de trading Robinhood a fait le choix d'une com au vert audacieux, par opposition à la sobriété des marques de la finance traditionnelle, comme les banques.
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La couleur pourrait trouver son salut dans le métaverse
Si le monde réel s'est grisé progressivement, le métaverse pourrait apparaître comme une opportunité pour un retour en force de la couleur. Le métaverse est encore une page blanche, sur laquelle les boomers auront pu d'influence. Les Millenials et la Gen Z pourront donc s'y donner à coeur joie.
Comme Pantone l'explique dans un court article dédié à la couleur dans le métaverse, la liberté laissée par les mondes virtuels permettra une utilisation extensive de la couleur :
Il n’y a pas de limites. De la couleur de votre apparence physique jusqu’aux tenues que vous portez en passant par les produits que vous possédez dans le Web 3.0, tout est modifiable selon votre humeur et la manière dont vous souhaitez être représenté dans le monde numérique, quelle que soit votre présentation dans le monde physique. Le métavers sera synonyme de liberté.
Déjà les métaverses les plus populaires aujourd'hui, Roblox et Fortnite, sont de véritables royaumes colorés. Parce que ce sont des jeux vidéo ? Même Horizon Worlds, le métaverse à l'ambition grand public de Meta, apparaît bien plus coloré que la réalité.
L'avenir nous dira si la couleur tient sa revanche avec le métaverse. Mais une dystopie dans laquelle les humains fuiraient un monde réel devenu fade et triste pour rejoindre les décors chatoyants des mondes virtuels, perso, ça ne me fait pas rêver. Alors remettons nous à colorer un peu la réalité.